La poste

Exercice de style N°1

 

C'était une fin de journée glaciale. Je me dirigeais toutefois vers la poste. Arrivée sur le pas de la porte : ambiance !

En rang d’oignons, chacun attendait patiemment.

 

Entre les guichetières, le ton tournait vinaigre, il y avait de l’eau dans le gaz. Elles s’engueulaient comme du poisson pourri. L’une demandait de ne pas la prendre pour une poire, l’autre l’accusait d’en faire toute une salade. Le torchon commençait à brûler. Celle de droite spécifiait que ses remarques étaient pétries de bonnes intentions et qu’il fallait qu’elle mette un peu d’eau dans son vin. Celle de gauche précisait qu’elle ne pouvait être à la fois au four et au moulin et qu’elle ne voulait plus être roulée dans la farine.

 

Moi, la moutarde commençait à me monter au nez. J’en avais marre de poireauter. Histoire de faire monter un peu la mayonnaise, je me risquais à demander si tout était bientôt consommé ou s’il fallait attendre encore longtemps parce que depuis le temps qu’elles nous laissaient mijoter, la poste allait fermer et j’allais me retrouver le bec dans l’eau.

 

Alors la grande asperge, derrière son comptoir me regarda d’un œil mauvais et d’un ton sirupeux me conseilla de ne pas en faire tout un plat, que de mon problème, elle s’en fichait comme d’une queue de cerise, et puis de toute façon, si je n’étais pas contente, je n’avais qu’à aller me faire cuire un œuf !

 

 Exercice de style N°2  

 

Il faisait un temps de chien. Je me dirigeai toutefois vers la poste. Arrivée sur le pas de la porte : ambiance !

Serrés comme des sardines, les clients attendaient patiemment, on aurait pu entendre une mouche voler.

Entre les deux guichetières, il y avait anguilles sous roche : le ton montait. Soudain elles s’engueulèrent comme du poisson pourri.

Celle au nez de fouine accusait l’autre d’avoir une tête de linotte, celle à la queue de cheval demandait de ne plus être le bouc émissaire.

Celle de droite spécifiait que ce n’était pas à un vieux singe que l’on apprend à faire des grimaces. Celle de gauche précisait qu’elle n’arrivait pas à lire ses pattes de mouches et qu’il fallait qu’elle arrête de lui chercher des poux dans la tête. La première demanda d’arrêter de sauter du cop à l’âne, en ajoutant qu’elle ferait mieux de mettre un tigre dans son moteur.

 

Moi, je commençais à bailler aux corneilles, j’en avais marre de faire le pied de grue. Je me risquais à leur secouer un peu les puces. Si  elles s’entendaient comme chien et chat, il ne fallait pas nous prendre cependant pour les dindons de la farce. Plutôt que de jacasser comme des pies, elles feraient mieux de nous servir avant la fermeture, j’avais d’autres chats à fouetter.

 

Alors derrière son comptoir, celle qui sentait la cocotte me toisa de son œil de lynx et d’une voix de crécelle me dit que de toute façon, tout cela c’était de notre faute car on les rendait chèvre et vu l’heure, elles nous serviraient quand les poules auront des dents.

 

D'après Exercices de style Raymond Queneau  

Edwige CHAN 

Février 2006

 

Toutes ressemblances avec des situations existantes sont absolument fortuites. Mes excuses aux employé(e)s des PTT qui pourraient se sentir mis en faute, ces textes sont complétement issus de mon imagination  !