Lourdes portes capitonnées, miroir colossal surmontant la cheminée, large secrétaire acajou, lumières tamisées, voix feutrées, les massifs fauteuils en cuir avaient englouti les clients.
Pour la petite, tout semblait démesuré dans le bureau du père.
Debout, il tenait une feuille entre les mains. Il la regardait en parlant. Ses yeux suivaient les lignes écrites. A l’air sérieux et attentifs des adultes présents, elle comprit que ce papier était porteur d’une histoire, pour elle incompréhensible.
Quelques questions posées puis ils griffonnèrent un signe à l'endroit désigné d’un doigt vindicatif. Le père dévissa avec solennité le gros stylo à pompe, trempa la pointe dans l'encre noire. La plume crissa sur le papier. D’un coup de griffe, il raya la feuille à proximité du parafe.
Alors, s’extirpant avec peine du fauteuil, un des acheteurs lui tendit une lourde valise. Le père la posa sur ses genoux, souleva le couvercle lentement. Apparut alors une multitude de billets neufs rangés par liasses qu'il compta, une par une.
La journée suivante, émerveillée par ce pouvoir, la Petite dessina des gribouillis, imitant l'air solennel des adultes observés la veille, devant les yeux mornes de ses poupées installées sur une chaise.
Edwige CHAN
23 janvier 2006