Marguerite D.

 

Aujourd'hui, je suis allée à Paris afin de récupérer mon manuscrit chez Albin Michel.  En veulent pas. L'ont-ils lu ? Pas assez de ci, manque de ça, trop de chabada.  Je sais pas ce qui ne leur plaît pas. En même temps, quand je vois qui ils publient, leur refus est plutôt un honneur. 
Bref, pour me remonter le moral, je suis allée rendre visite à Marguerite, à côté, boulevard des Allongés. 

Et bien, je ne sais pas comment elle était de son vivant, mais là c'était tout gris, tout triste. J'ai donc décidé d'égayer un peu.

En chemin, je rencontre deux belles femmes, une brune et une blonde tenant un magnifique hortensia bleu comme le ciel au meilleur moment. Je leur demande l'adresse du fleuriste. 

Mes pas me guident vers la boutique. Je pousse la porte et remonte le temps. Voyage dans le passé, je suis au milieu du jardin fleuri de ma grand-mère. Vieux flacons, confitures, pots émaillés, effervescence de fleurs de toutes couleurs, de tous parfums. Une bouffée d'air un peu surannée au centre de Paris. J'opte pour une rose rouge pourpre délicate, j'en prends aussi une pour Simone, faut pas être chiche. Et me voilà repartie, la mine guillerette, ragaillardie par ce séjour imprévu.
Je passe d'abord chez Simone. 
Je lis un joli message écrit en lettres minuscules sur un galet rond. D'autres ont posé leurs lèvres pour laisser l'empreinte du rouge. A mon avis Jean-Paul doit aimer. Tout est frais, joyeux et propre. 
Devant chez Marguerite, il y a du monde. Mes informatrices !

L'hortensia bleu dans son papier transparent est du plus joli effet. Un pot vert tendre de pâquerettes pomponnettes apporte sa touche colorée. Elles ont collé des cœurs de couleur autour du grand pot planté de crayons. L'une d'elle tient un arrosoir.

Elle m'explique  : 

        - C'est tout sec, je lui ai mis un peu d'eau. 

J'ai ri : 

        - Je suis pas sûr qu'elle apprécie. Je crois qu'elle préférait le whisky ! 

Elles viennent de Sao Paulo pour lui rendre visite. Leur prochain voyage prévu sera Sadec. Je leur raconte quelques anecdotes et la beauté du Viêt-Nam. Puis nous évoquons nos œuvres préférées, les petits chevaux de Tarquinia, le ravissement de Lol Von Stein, le Vice Consul, Moderato Cantabile, la Douleur, ses chansons, India Song, ses films et bien sur l'Amant, de sa difficulté à être publiée, de son  travail, sa persévérance ... 

Embrassades, accolades, nous nous quittons joliment, tout en nous souhaitant une belle et longue route. 
Ce moment passé près de Marguerite fut réconfortant. Arrivée triste, je suis repartie joyeuse. 

Je vous l'annonce  : c'est pas demain la veille que l'on me découragera d'écrire.