Il prononce des mots qu’elle n’entend plus.
Comment se défaire de ses bras. Comment quitter son épaule. Elle se presse.
- Je pars.
Elle se dégage de l’étreinte, donne l’ordre au chauffeur. Le taxi l’emporte. Les larmes ont jailli, avec impudeur elles glissent. A travers la vitre, la nuit, les gens la regardent. Les lumières de Saigon tentent de retenir son âme. Les souvenirs s’insinuent, s’installent.
Le son ample du gong frappé par le bonze, la fumée envoûtante des encens, l’oiseau libéré, les buffles majestueux déambulant le long de la large route de latérite, le troupeau d’oies caquetantes guidé par un enfant, les planteuses de riz cachées sous leur chapeaux de paille, les fillettes rieuses et mutines, les cocotiers délicats élancés vers le ciel, le passage du col des nuages, la chaleur assommante et moite, le jus glacé d’une mangue fraîche, la mer de Chine, translucide.
Et lui, si distant parfois, si indifférent à cette beauté du monde offerte, partagée.
Le taxi se fraye un passage dans l’enchevêtrement des mobylettes pétaradantes.
Les yeux noirs en amande. Revoir son visage, encore, visage aimé, sa voix racontant les paysages inespérés. Elle se retourne alors.
Il est là, toujours planté sur le trottoir malgré la mousson, enraciné, les bras ballants, livide sous la pluie.
Un pincement douloureux lui emplit la poitrine.
Partir. Revenir. Revenir. Un jour.
Il s’éloigne. Un point dans l’infini. Pour disparaître tout à fait.