Le grand départ

 

Enfin, elle le tient ce projet de départ pour l'ailleurs. Il lui aura fallu des années pour trouver le courage nécessaire et faire face aux liens affectifs, aux chaînes inconscientes.

 

Justifier son choix auprès des proches est une tâche ardue, peut-être un passage obligé, une mise à l'épreuve de l'amour porté. Difficile également d'abandonner derrière soi une vie peaufinée avec soin. Chaque objet choisi avec délicatesse, certains s'imposant d'eux-mêmes, d'autres au prix de lourds sacrifices.

Les Bouddhas, d'un air arrogant de sérénité, lui ont susurré :  

- Ça te passera, tu reviendras plus vite que tu ne crois. Nous t'attendons là.

 

Comment choisir entre le vital et l'utile, entre le nécessaire et le futile ? Quelle musique chérie emporter, quel film vu déjà 100 fois, quel livre, petite bible de sagesse, quelle robe, quel parfum ? Rien ne s'organise vraiment, 23 kilos de bonheur à choisir parmi des choix déjà établis. Pourquoi se charger de sacs, valises, bagages ? Où est l'important.

 

Elle aimerait être ce voyageur aux semelles de vent tel l'ami Richard parcourant le monde, un livre unique en poche, sans un autre désir que celui de partir vers un ailleurs, embrassant l'essentiel.

 

Enfin, elle s'installe, ici, maintenant, dans cette brume matinale d'un matin frais qui annonce le bonheur futur, sous ce carré de ciel dans ce lieu exact où règne le silence.

 

Ce n'est pas ainsi qu'elle l'avait imaginé mais elle doit se dénouer l'intérieur, se mettre à l' écoute. Oublier les angoisses,  les incertitudes, respirer à pleins poumons le vent, la mer bordée d'écume.

 

Enfin, elle le tient ce bonheur tant espéré, assise sous un coin de ciel au bord de cette plage, en attente du premier café, regard rivé, bleu-horizon.